Pourquoi je ne partage pas les coordonnées GPS de certains lieux et pourquoi vous devriez en faire autant

Cet article est en réponse à de nombreux messages que je reçois régulièrement sur les réseaux sociaux (Instagram particulièrement) lorsque je partage les photos des rivières tressées d’Islande ou des lieux peu connus. De plus en plus de photographes refusent de dévoiler les spots qu’ils capturent ou qu’ils visitent, pour plusieurs raisons, et j’aimerais vous exposer les miennes, tout en ouvrant la discussion sur ce sujet.

⚠️ Ceci reflète entièrement ma propre opinion. Si vous n’êtes pas d’accord (et c’est 100% ok !) et souhaitez en discuter de manière respectueuse, je vous invite à laisser un commentaire à la fin de cet article pour échanger nos points de vues.

J’investis énormément de temps dans la planification de mes photos 📸

Vous voyez une jolie photo et vous vous dites « wow, je vais y aller moi aussi ! », et puis vous vous rendez compte que l’auteur n’a pas noté où, ni quand la photo a été prise. Je me retrouve moi aussi dans cette situation à quasiment chaque lieu un peu hors des sentiers battus lorsque je commence à planifier mes voyages. Je cherche sur les cartes, les blogs, les réseaux sociaux (Instagram, Tiktok, Pinterest…) pour essayer de trouver où cette fameuse photo a été prise, et quand (est ce que la lumière est meilleure au lever ou au coucher de soleil ? Est ce que la randonnée est faisable à l’époque où je pars ?). Cela me prend littéralement DES HEURES. Je pense que peu de personnes imaginent à quel point la planification d’un voyage photographique peut être chronophage, surtout à partir du moment où vous vous éloignez des lieux touristiques connus. C’est un travail colossal de poncer les cartes satellites à la recherche d’endroits intéressants, de calculer avec Photopills à quelle heure il faudra être sur place, ou même une fois sur place de rouler dans tous les sens pour trouver l’angle idéal.

Je peux passer des heures voire des journées entières à planifier mes itinéraires pour atteindre un lieu, car c’est pour moi l’étape cruciale d’un voyage réussi, et cela ajoute considérablement de charme à la découverte d’un lieu. Je pense de plus en plus que les spots « donnés », « faciles d’accès », n’ont pas pas la même saveur que ceux pour lesquels vous avez du chercher dans les moindres recoins d’internet les informations nécessaires pour les atteindre. Comme vous pouvez l’imaginer, je ne souhaite pas offrir gratuitement sur les réseaux sociaux ou même ici les fruits de ce travail ! J’ai compilé ce travail dans chacun de mes guides et cartes de voyages et photographie si vous ne souhaitez pas faire vos propres recherches.

Et puis soyons réalistes deux minutes : ceux qui veulent réellement savoir où est un endroit, finiront bien par le découvrir, que je l’écrive à la fin de mes légendes sur Instagram ou pas. Je ne suis pas dotée de super pouvoirs particuliers qui me permettent de deviner les coordonnées GPS de chaque photo que je vois, donc si je peux y arriver, n’importe qui le peut avec un peu de patience et de méthode. Au final, le fait de ne pas donner le lieu crée une sorte de filtre : si vous n’êtes pas réellement motivé pour découvrir ce lieu, vous ne vous ennuierez pas à chercher et donc vous n’irez pas 🙃

Préserver la nature du tourisme de masse 🌿

Ça ne vous surprendra pas si je vous dis que la surfréquentation de certains endroits peut avoir des conséquences néfastes sur l’environnement. Il suffit de regarder certains lieux touristiques en Islande, qui sont aujourd’hui victimes de leur succès et complètement jonchés de détritus à cause de la trop grande fréquentation touristique et le manque d’infrastructures pour accueillir autant de monde à la fois. Ne pas dévoiler les lieux, c’est aussi les préserver !

Je m’en suis aperçue en Nouvelle-Zélande particulièrement, car il reste beaucoup d’endroits où peu de monde se donne la peine d’aller. Par exemple, ce petit refuge orange au sommet d’une montagne : il vous faudra faire une randonnée de 5h, 1100m de dénivelé, sans balisage dans une forêt dense et boueuse, pour l’atteindre. À l’intérieur, quatre places, pas une de plus, si il y a déjà 4 personnes, il faudra redescendre ou monter la tente (pour peu que vous en ayez pris une). Ce lieu est très protégé et n’est pas encore marqué sur les cartes ! J’ai pris un plaisir immense non seulement à le chercher, mais également à planifier l’ascension et encore plus lorsque je l’ai atteint (bon j’avoue que pendant la randonnée, je me suis maudit d’avoir eu des idées pareilles). Mais une fois arrivée ! J’étais complètement seule, un vrai havre de paix à l’écart du monde. Il n’y avait rien à part le silence de la nature et moi-même. Impossible d’imaginer ce que ce lieu pourrait être si il était soudainement populaire…

Le contre-exemple parfait est ce lieu aux États-Unis : lorsque j’ai commencé à faire mes recherches pour notre road-trip entre l’Utah et l’Arizona, il m’a été compliqué de trouver des informations sur ce spot. J’ai beaucoup utilisé Pinterest et les cartes satellites pour le trouver, et j’ai noté les coordonnées GPS une fois que cela a été fait (cela m’aura pris une grosse heure). Quelques semaines avant notre voyage, je vérifie toujours que j’ai tous mes lieux renseignés sur la carte, et en zoomant je m’aperçois que quelqu’un a rajouté la localisation sur Google Maps ! Inutile de dire qu’il y avait des groupes entiers lorsque nous sommes arrivés. Alors bien entendu, la nature appartient à tout le monde et je suis ravie que d’autres personnes, photographes ou pas, puissent admirer des beautés de la nature comme celle-là de leurs propres yeux ; mais certains dans le groupe qui nous a rejoint ont laissé des mouchoirs, emballages de gâteaux et craché par terre, et touché la roche « pour voir si elle est friable » tout en rigolant… Inutile de parler du nombre incalculable de traces de pas ou de traces de roues, alors qu’il y a un seul sentier déjà tout tracé et que l’accès est interdit aux véhicules. Comment peut-on avoir si peu de respect pour la nature ?

Je pense sincèrement qu’en gardant certains lieux cachés (même si aujourd’hui sur internet le mot « caché » n’a plus aucun sens), nous pouvons toujours contribuer à minimiser l’impact humain sur les paysages. Je n’ai évidemment pas des centaines de milliers de followers sur les réseaux sociaux, mais juste assez pour qu’on me demande régulièrement de divulguer les lieux que je photographie, souvent sans même un bonjour. Je pense également que ceux qui ont une plus grande portée devraient se rendre compte de l’impact qu’ils provoquent sur les « lieux secrets » qu’ils dévoilent ! Partager ou ne pas partager les localisations des lieux photographiés est bien entendu une décision personnelle, mais elle est de mon côté motivée par le désir de préserver la nature en évitant la surfréquentation touristique. Je pense qu’il est essentiel aujourd’hui de trouver un équilibre entre l’inspiration et la préservation pour assurer la pérennité des lieux magnifiques que nous aimons tous photographier et visiter.